Lors du festival Rock en Seine, nous avons été convié à la conférence de presse du duo Justice. Le moment parfait pour échanger de leur quatrième album « HYPERDRAMA », de la suite de leur tournée avec KAYTRANADA, mais aussi d’intelligence artificielle.

@OlivierHoffschir
Votre tournée mondiale a débuté en avril 2023 et elle est toujours en cours. Qu’a-t-elle de différent par rapport aux précédentes ?
Tout est différent, principalement parce qu’on est plus vieux maintenant. :rires:
La première tournée était particulière parce que c’était la première fois qu’on vivait tout ça, on avait 25 ans et une énergie débordante. Depuis, les choses sont devenues plus carrées. À l’époque, on partait sur la route à 6, sans trop savoir ce qu’on faisait. Depuis la précédente tournée, on est 30 et tout est beaucoup plus organisé.
Que ressentez-vous juste avant de monter sur scène ? Toujours la même excitation qu’au début ?
Non, ce n’est pas de l’excitation, c’est de la peur et de l’anxiété. Et ça ne disparaît jamais. C’est parfois paralysant, mais le cerveau est bien fait, il donne l’énergie nécessaire pour réussir à jouer malgré tout.
C’est votre troisième passage à Rock en Seine. Quels souvenirs gardez-vous des éditions précédentes ?
La précédente était super, c’était d’ailleurs la dernière date de notre tournée européenne, comme ce soir. Pour le premier Rock en Seine, honnêtement, on ne s’en souvient pas vraiment… mais il était génial !

Justice @OlivierHoffschir
On ne peut pas passer à côté de la question : que pensez-vous de l’arrivée de l’intelligence artificielle dans la création musicale ?
C’est abyssal et inquiétant, mais si c’est bien utilisé, pourquoi pas !
Cela permet une démocratisation, comme ce qu’on a vécu nous-mêmes à nos débuts en faisant de la musique sans studio et sans être instrumentistes accomplis.
C’est une bonne chose que la technique ou l’argent ne soient plus un obstacle. Mais comme tout outil, cela peut produire beaucoup de choses géniales comme beaucoup de choses inutiles. Difficile de dire si le positif l’emporte sur le négatif.
Les gens n’ont clairement pas attendu l’IA pour être paresseux. L’IA existe déjà depuis longtemps dans la musique : beaucoup de morceaux sont faits à partir de bases de données, tout se ressemble aussi à cause de ça, c’est le risque. Ce qui reste essentiel, c’est que la décision finale appartienne à un humain.
Votre dernier album se termine par le morceau “The End”. Faut-il y voir un symbole caché ?
Non, c’est juste la fin de l’album. On l’a écrit avec Thundercat, qui chantait spontanément « this is the end » au sujet d’une relation amoureuse. On savait que ça pouvait susciter des interprétations, mais ça ne nous paraissait pas gênant.

Source : AFP
Vos concerts sont réputés pour leur précision millimétrée. L’improvisation existe-t-elle encore chez Justice ?
Quand tout se passe bien, non, il n’y a aucune improvisation. Tout est millimétré. Nos shows sont comme un tour de magie à grande échelle : chaque détail est répété et optimisé. Depuis le début de cette tournée, seuls une dizaine de concerts se sont déroulés sans aucun problème technique. L’improvisation intervient seulement en cas de galère.

Justice @OlivierHoffschir
Après toutes ces années, avez-vous encore des scènes rêvées ?
Pas vraiment. On ne fait pas fixation sur un lieu rêvé. Les lieux prestigieux ne garantissent pas les meilleurs souvenirs. Parfois, on est surpris. Un des meilleurs concerts récents s’est passé à Salt Lake City, dans un festival dans une ferme dont on n’avait jamais entendu parler. C’était incroyable !
Vos visuels, que ce soit les pochettes ou la scénographie, sont-ils complémentaires à la musique ou un simple accompagnement ?
Les deux. Pour nous, musique et visuels sont indissociables. Notre musique doit générer des images. Si on ne pense à rien en composant, c’est qu’on a raté quelque chose.
La scénographie et les choix esthétiques sont aussi importants que la musique, ils orientent la perception du public.
Vous êtes encore capables de fédérer des foules immenses après toutes ces années. Comment l’expliquez-vous ?
C’est toujours une surprise pour nous. On n’attend rien à chaque sortie. Parfois, nos projets intéressent peu de monde, d’autres fois beaucoup plus. Ça fonctionne par vagues. Aujourd’hui, « Hyperdrama » et la tournée se passent bien, mais ce n’est jamais acquis.

Justice @OlivierHoffschir
Lors de vos shows, vous descendez parfois au contact du public. C’est spontané ou prévu ?
C’est spontané. Si le concert est froid, on descend moins. Mais même si seulement dix personnes sont heureuses, on va les remercier. On tient à garder une esthétique froide, on n’est pas du genre à haranguer la foule. Mais un petit moment de contact est nécessaire, pour que le show ne paraisse pas trop distant.
Vous allez prolongé la tournée américaine aux côtés de Kaytranada. Comment est né ce choix ?
C’est la troisième fois qu’on fait une tournée U.S. sur ce segment depuis avril 2024. On s’est dit qu’il y avait une vraie complémentarité entre son public et le nôtre. Cela nous permet aussi de jouer dans des endroits où nous ne sommes pas encore passés. C’est surtout un choix stratégique, même si ce n’est pas hyper sexy à dire.

On remercie énormément Justice d’avoir pris de leur temps pour cette conférence de presse. Le duo clôturait leur tournée européenne 2025, ici, à Rock en Seine. Merci également à l’équipe presse de Rock en Seine, qu’on est déjà impatient de retrouver en 2026 !
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Crédits cover : @juliaetvincent

