À l’occasion de la sortie de l’album « Phantomgrid », nous avons eu l’occasion de discuter avec Joachim Pastor. On parle de l’intention derrière son nouvel album, de son projet PACT avec Joris Delacroix et TEHO, du système CTMU et de Truffade. Interview complète à découvrir dès maintenant !
Est-ce que tu pourrais te présenter en quelques mots ?
Salut, c’est Joachim Pastor. Je fais de la musique depuis que je suis tout petit… et aujourd’hui, je fais de la musique électronique.
Un mot pour décrire ton album ?
Je dirais indépendance.
J’ai presque tout fait moi-même, sauf une topline sur « Happy Now ». Les paroles, les prods, les artworks… tout est fait maison. Donc oui : indépendance, c’est vraiment le mot.
Que signifie ce nouvel album « Phantomgrid » pour toi ?
J’ai besoin que les choses aient un sens. Je n’aime pas faire quelque chose « dans le vent ». Il me faut un but, un résultat, quelque chose de tangible. Même si la signification n’a de valeur que pour moi, si ça m’aide à créer quelque chose de beau, c’est suffisant. Les autres ne sont pas obligés de comprendre : ce qui compte, c’est l’intention.
Pour cet album, je voulais parler du monde, de la réalité, de l’existence… c’était cette intention qui était au cœur de tout.
J’ai entendu un artiste plasticien expliquer qu’il existait deux types d’art : le concept et l’art intrinsèque. Parfois, le concept seul est déjà une forme d’art. Ça m’a marqué.
Tu perçois « Phantom Grid » comme une simulation ou une réalité ?
C’est difficile à dire… Moi, je le perçois comme une réalité, donc comme quelque chose de tangible.

Dans ton documentaire, tu parles du CTMU et de la notion de réalité. Quelle est ta vision de la réalité ?
Depuis petit, c’est un sujet qui me traverse souvent l’esprit. On vit souvent dans une fuite en avant. On pense toujours à la suite, sans s’arrêter pour se demander : Qu’est-ce que je suis ? Quel est le sens de tout ça ?
Le CTMU de Chris Langan m’a vraiment parlé : ça rejoignait toutes mes intuitions. C’est dense, pas digeste, mais fascinant.
Le CTMU (modèle théorique-cognitif de l’Univers) est bien plus complexe qu’un simple lien avec l’IA : c’est un langage. Et l’IA rejoint un peu ce principe. Elle apprend comme nous apprenons : elle digère de l’information, puis recrache une version transformée.
On fonctionne pareil : on se construit par influences avec nos amis, nos parents, nos références culturelles… comme des couches. Peut-être qu’il existe des couches au-dessus de nous. Peut-être qu’on fait tous partie d’un ensemble plus vaste.
J’adore le parallèle avec les jeux vidéo. Dans GTA, le monde n’est modélisé que là où tu regardes, sinon ce serait trop lourd à calculer. Peut-être que l’univers fonctionne pareil. Bien sûr, c’est une analogie… mais cela permet de poser de vraies questions sur la nature de la réalité.
Et tout ça, c’est fondamental : il ne suffit pas de vivre. Il faut avoir une raison et une intention. On ne trouvera jamais « la vérité », mais au moins, on peut essayer d’avancer dans la bonne direction.
Comment as-tu retranscrit tout cela dans l’album ?
Je voulais parler du sens et de l’intention… mais aussi de la mémoire.
Enfant, j’avais une mémoire presque hypermnésique. Et il y a quelques années, j’ai eu des soucis de santé, peut-être neurologiques, qui ont affecté ma mémoire. Ça m’a marqué, et ça s’est naturellement glissé dans l’album : la mémoire, le souvenir, l’identité.
Je sais que 99% des gens ne verront pas ça. Mais pour moi, dans la création, ça avait du sens. C’est mon côté ingénieur : j’aime que les choses signifient quelque chose.

Le format album, est-ce toujours pertinent aujourd’hui ?
Pour moi, un album ne doit pas être une compilation. Il doit être homogène, capturer un instant précis.
J’ai voulu tout faire dans une même période, avec une même énergie un peu comme les groupes de rock à l’époque. Ils enregistraient tout en quelques jours : même studio, mêmes instruments, même dynamique. Cela créait une couleur forte et unique.
Aujourd’hui, avec trop d’outils, on peut vite se diluer. Limiter ses moyens aide à garder une identité. C’est ce que j’ai essayé de faire ici.

Joris Delacroix et NTO t’appellent Master Zinzin et Leonard de Vinci dans le documentaire. Qu’est-ce que tu préfères ?
Sûrement pas Léonard de Vinci ! :rires:
Master Zinzin, je ne sais même pas d’où ça sort. Joachim Pastor ira très bien.
Selon toi, faut-il encadrer l’IA dans la musique et dans l’art ?
Réponse de Normand : oui et non.
Quand une méga-star n’a jamais mis les pieds en studio et qu’un ghost-producer fait tout derrière… j’ai du mal.
Cela dévalorise les vrais musiciens. Aujourd »hui, le show prime. Le visuel est plus important que la musique. Pour exister, il faut être un clown sur les réseaux. Certains cartonnent sans rien créer eux-mêmes, juste grâce au marketing. C’est presque comparable à de l’IA.
Mais d’un autre côté… l’IA est fascinante. Elle va remplacer beaucoup de métiers, mais elle en crée aussi. C’est comme un couteau : tout dépend de l’usage.
J’utilise l’IA dans mes projets d’ingénierie, et c’est incroyable. C’est comme avoir un pote ultra chaud avec qui tu peux discuter d’idées.
Tu parles beaucoup d’intelligence et de discernement. Tu penses que les gens sont prêts à bien utiliser ces outils ?
Il faut être intelligent pour bien se servir d’un outil… et ce n’est pas la chose la plus répandue aujourd’hui. :rires:
Moi, je ne me considère pas comme un mec intelligent, mais j’essaie de m’élever et de comprendre l’environnement qui nous entoure. Encore une fois, l’IA est un outil. C’est comme avec une pelle, tu peux construire une maison ou faire une connerie avec.
Tu vois les robots type Boston Dynamics ? Tu mets une IA dedans, un ChatGPT de 2035 et il peut devenir ton pote. Mais si un jour, il décide que les humains le saoulent… c’est Terminator. Un beau mix entre Black Mirror et iRobot.
Si un jour, tout est contrôlé par des IA, des serrures, des systèmes, des robots, oui, ça peut faire peur. Mais d’un autre côté, peut-être qu’elles pourraient aussi mettre fin à la corruption humaine. Qui sait ?
L’intelligence artificielle, c’est comme la bulle Internet. Au début, tout le monde s’est emballé, et puis il y a eu une explosion avant que ça ne devienne stable. L’IA, ce sera pareil.
Tu parlais tout à l’heure de la vision de la réalité et du manichéisme humain face aux informations du quotidien. Penses-tu que les gens traitent encore tout de façon binaire ?
Oui, les gens simplifient tout. Bien ou mal. C’est humain, ça permet d’avancer. Mais ce qui manque, c’est la sincérité en disant ce qu’on pense, sans calcul. Comme dans un couple, il faudrait tout simplement se dire « Dis-moi ce que tu penses réellement, pas ce que tu crois que j’ai envie d’entendre. »
On vit dans le calcul permanent. La simplicité et l’honnêteté, c’est beau… mais dur à appliquer.
Vous avez récemment lancé PACT avec Joris Delacroix et Teho. À quoi doit-on s’attendre avec PACT ?
Pour l’instant, PACT, c’est un live. Mais à terme, ce sera aussi un label, non exclusif, une plateforme libre.
Le concept du live, c’est la participation du public. On a revisité nos classiques, et j’ai conçu des contrôleurs spécialement pour que les gens puissent interagir avec nous. Ils peuvent influencer le son… jusqu’à couper la musique si nécessaire. Ce n’est pas un gadget : c’est un vrai échange.
On joue souvent en scène centrale, au milieu de la foule, pour casser la barrière. Les gens peuvent manipuler les contrôleurs : gros boutons, couleurs, rien d’intimidant.
Lors de la première au Badaboum, on pensait que les gens n’oseraient pas… il y a eu deux heures de queue ! :rires:
Sur scène de festival, on adapte : plutôt qu’un carré, on se place en ligne, et le public circule entre nous. C’est encore plus interactif : je peux parler à la personne à côté de moi, lui dire « tourne ce bouton, écoute ce que ça fait ». Un vrai moment de partage.

@mas_tof_92
> Voir PACT en live juste ici <
Vous êtes à contre-courant des gros shows visuels type Afterlife. Pourquoi ce choix ?
Parce que je voulais de la proximité réelle. Pas une promesse marketing.
Sur 8 000 personnes, une vingtaine peuvent venir entre nous… mais tout le public ressent cette intention. Les gens montés sur scène ont vécu un truc de fou : un drop devant des milliers de personnes, les strobos, le feu… Je voulais une expérience authentique, pas un show démesuré.

Tu as déjà assisté à ses shows ?
Non, jamais. Je trouve que ça peut vite devenir cheap.
La mode tourne : les robots 3D, ringards il y a 10 ans, sont redevenus stylés. Comme la coupe mulet. On est toujours le « commercial » ou le « has-been » de quelqu’un d’autre. Tout dépend du regard.
Quel est ton titre préféré dans l’album ?
« Synthetic Recalls », peut-être. C’est un des plus chill, sans paroles, et je l’aime beaucoup.
Mais j’aime aussi beaucoup « Walk With Me« , qui est presque acoustique.
Honnêtement, je les aime tous : chacun a sa personnalité. Comme des enfants.
Ton plus bel accomplissement de l’année ?
Les contrôleurs, clairement. Un projet que j’avais en tête depuis plus de 15 ans.
Les modèles du documentaire sont de vraies prouesses d’ingénierie : du matériel industriel, pas des prototypes bricolés. Je suis vraiment fier du résultat.
Mon but à terme, c’est d’en commercialiser une version plus accessible, plus pratique. Je veux créer une vraie marque, un truc solide.

Avec mon expérience du live, je sais ce dont les artistes ont besoin. Souvent, le matériel est pensé par des ingénieurs et non pas par des musiciens. Et c’est souvent le problème dans beaucoup de domaines. Tu sens que certains produits ont été pensés par des gens très compétents techniquement, mais qui ne s’en servent pas au quotidien.
Moi, c’est comme mes plug-ins dans Ableton : je les crée pour mon usage réel. C’est comme un charpentier qui se fabrique enfin l’outil dont il a besoin depuis quinze ans.
Et côté musique, un artiste à nous recommander en ce moment ?
Romain Garcia. Son album « Eurekah! » sort vendredi prochain.
Un mec talentueux, gentil, sincère, qui fait tout lui-même. Son album est superbe.
> Notre article sur l’album Eurekah! de Romain Garcia – Notre interview avec Romain Garcia <
Quel est le plat préféré de Joachim Pastor ?
La truffade.
Simple, efficace, parfait. :rires:
Et enfin, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
Que l’album marche. Que les contrôleurs trouvent leur public. Sortir mes plug-ins, peut-être en partenariat avec Ableton, ce serait fou. Et obtenir ma licence de vol aux instruments. Si tout ça fonctionne, je serai déjà très heureux… Et si je gagne à l’Euromillions sans y jouer, c’est parfait ! :rires:
On remercie énormément Joachim Pastor d’avoir pris de le temps pour cette interview. Un grand merci à Laetitia pour l’organisation. L’album « Phantomgrid » est dispo partout ! Rendez-vous en 2026 pour voir Joachim Pastor en live partout dans le monde.
> Notre article complet sur l’album « Phantomgrid » de Joachim Pastor <

