À quelques jours du lancement des Nuits Secrètes 2023, nous avons pu échanger avec Maeva Justice, chargée de RSE sur l’évènement. Car oui, le festival n’est pas uniquement centré sur les artistes, mais souhaite proposer une expérience en phase avec l’environnement. On vous présente ça !
Depuis quand l’association des Nuits Secrètes est engagée en terme de RSE ?
Ça a toujours été un peu dans l’ADN de l’association. Les Nuits Secrètes, c’est un festival qui a 20 ans et La Bonne Aventure c’était sa 6ème édition cette année. Sur les engagements axés développement durable, je suis arrivée dans l’association en 2017, et avant ça c’était déjà ancré dans l’asso. L’association faisait déjà beaucoup de choses, avec des valeurs à défendre. Les Nuits Secrètes fait partie du domaine de l’ESS pour Economie Sociale et Solidaire.
Dès le départ, il y a beaucoup de choses déjà faites dans le bon sens. Et puis c’est vrai que c’est un festival qui découle d’une initiative collective, de personnes qui voulaient organiser quelque chose pour les gens qui ne pouvaient pas partir en vacances. Du coup, on peut dire que l’association des Nuits Secrètes est engagée depuis ses débuts !
Toutes les infos sur l’édition 2023 des Nuits Secrètes, c’est par ici !
Pour toi, c’est quoi le festival idéal ?
Alors c’est compliqué parce qu’il y a vraiment une tension économique dans le secteur des festivals. Il y a une nécessité de rentabilité, surtout avec des coûts productions, artistiques et techniques qui ont fort augmenté. Donc il y a une logique qui s’installe, c’est d’augmenter les jauges de public dans les évènements. Et c’est évidemment contre toute cette volonté de sobriété, ou du moins de décroissance que nous suivons. On est vraiment dans des injonctions contradictoires.
Après, on voit qu’il y a vraiment toute une forme de nouveaux festivals qui apparait : les micro et slow festivals. Ce sont des organisateurs qui ont pris le parti de faire des festivals vraiment à taille humaine. Il s’agit d’évènements qui peuvent aller jusqu’à 7000 personnes max, et vraiment axés sur la découverte d’artistes. Ce sont des festivals qui ont décidé de ne pas faire partie des grosses machines. Mais encore une fois, si on veut des têtes d’affiche, il faut les rémunérer ! Et de ce fait, la billetterie doit être doit être au rendez-vous ! En tout cas pour nous, le festival a changé d’emplacement, afin d’aller dans un espace plus grand, mais sans augmenter la jauge. On dispose d’environ 12 hectares, ce qui fait qu’en terme de confort pour les festivaliers, c’est mieux. Du coup on s’impose une jauge max de 20 000 personne par jour, et c’est vraiment une volonté de ne pas aller au-dessus.
Notre récap des Nuits Secrètes 2022, c’est par ici !
Du coup, le festival idéal c’est un festival où les choses sont bien faites, sur les actions mises en place. Le Développement Durable, c’est « comment on fait » en fait. C’est beaucoup de préparation, et essayer d’anticiper au maximum, afin de réduire son empreinte carbone. Il faut penser ses achats, penser les propositions de mobilité pour le public, sélectionner le choix en restauration. Car selon le choix, ça impacte encore une fois sur ce qu’on peut produire en gaz à effet de serre. En fait, organiser un festival c’est faire des multitudes de choix. Il faut donc être informé sur ces sujets de développement durables, afin de prendre des décisions en connaissance de cause, et surtout en essayant de rendre compatible la logique environnementale avec la logique financière et technique.
Justement pour faire sens avec ça, est-ce qu’on peut être un gros festival et être engagé ?
Oui, on peut l’être. Après effectivement c’est très compliqué de trouver des solutions. Il y a des gros festivals, comme les Vieilles Charrues qui passe les certifications ! Donc ils repensent tout leur management responsable, et ils restent engagés parce qu’ils sont au final sur des formats associatifs, assez indépendant. Ils essayent de ne pas se faire croquer par la filière. Mais oui effectivement c’est plus compliqué quand on est gros, donc c’est pour ça qu’il faut vraiment choisir sa taille. Après c’est vrai que les festivals de base, ne sont pas « développement durable« . C’est même tout l’inverse, puisqu’il faut créer une ville éphémère, et on fait se rassembler des artistes et des publics de tout horizon. Donc de base, ça l’est pas ! Mais on ne va pas arrêter de faire des festivals, parce qu’il y a une utilité sociale derrière.
Ca permet déjà à des gens de se rassembler, c’est un temps important de sociabilisation. Et puis pour la diversité et la promotion culturelle c’est important. C’est un espace où l’on vient découvrir et écouter des artistes. Il y a quand même beaucoup de bénéfices, dont aussi des retombées économiques pour les territoires. Si encore une fois le festival est bien pensé, et que les organisateurs travaillent avec des producteurs et des partenaires locaux. C’est sûr qu’un festival où tout vient d’un autre pays, ça n’a pas d’intérêt. Il y a beaucoup de festivals qui font partis de grands groupes, et qui sont dupliqués à gauche à droite. Mais leur gestion est centralisée, et des fois ça donne des festivals complétement hors sol. Ils ne sont pas du tout ancrés dans leur territoire, et là forcément ça a moins d’intérêt.
Du coup, comment un festival peut-il impacter sa zone géographique ?
Il y a vraiment plein de choses à faire en fait, et c’est tout le travail avec les acteurs locaux. Déjà, le fait de travailler avec des acteurs locaux, on réduit fortement son empreinte carbone, puisqu’on fait venir les choses de moins loin. Et puis tout simplement, le festival participe à l’emploi de toutes ces personnes du territoire. Donc il y a un vrai impact sur sur l’emploi. Aux Nuits Secrètes, on fait travailler des gens qui, par exemple pour les équipes techniques, viennent de la région. Pour les fournisseurs, on collabore avec un distributeur de boissons locales, et il est à 500 mètres du festival. Donc on est vraiment en approvisionnement plus que court !
Après il y a tout le côté sociétal : essayer de travailler avec des associations soit du secteur médico-social ou soit socioculturel. Ça permet de faire profiter le festival aux personnes qui sont un peu isolées, comme par exemple des personnes qui sont chômeurs longue durée, ou des personnes qui sont dans des foyers ou dans des centres d’habitat pour les personnes en situation de handicap. L’idée c’est de voir comment on peut les faire un petit peu participer à la fête. Dans notre équipe de bénévoles Green Team, les bénévoles qui sont en charge de la propreté et de la collecte des déchets, on a des personnes qui sont en insertion. Ils sont encadrés parce qu’ils sont apprenants, donc ils apprennent à lire et écrire, et ça fait plusieurs années qu’ils sont dans cette équipe. Pour nous c’est ça aussi le festival. C’est contribuer à un épanouissement personnel, et ça s’axe vraiment sur le volet social et sociétal du développement durable. On cherche à ce que le festival ait le plus de retentissement, et que ça ne soit pas juste un truc où on vient voir les artistes.
Les nuits suspendues sont de nouveau lancées, qu’est ce que c’est ?
Oui tout à fait ! Ça existait déjà avant tout le dispositif RSE qu’on a renforcé. C’est pour encore une fois sensibiliser les gens. Là c’est plutôt axé sur les dons, et au fait d’agir un peu en solidarité, car certains ont la chance d’avoir des revenus pour pouvoir s’acheter une place et d’autres non.
« Inspirée par la pratique napolitaine du café suspendu, qui consiste à payer un second café pour une personne dans le besoin, l’équipe du festival met en place depuis plus de 10 ans la cagnotte solidaire des Nuits Suspendues qui permet chaque année à environ 100 personnes d’assister gratuitement au festival. » – Les Nuits Secrètes
Cette accessibilité tarifaire fait partie des accessibilités qu’on veut développer, au même titre que l’accessibilité géographique. C’est essayer de renforcer le désenclavement et de déployer des bus ou autre pour que les gens viennent. Ça c’est plus facile à Dunkerque pour La Bonne Aventure qu’à Aulnoye-Aymeries où on est un peu plus en ruralité. On agit aussi sur l’accessibilité physique bien évidemment, pour que les personnes en situation de handicap soient le plus possible autonomes sur le festival, afin de vivre leur expérience comme n’importe qui. Ça d’ailleurs j’en parle presque même pas parce que c’est réglementaire, c’est la loi ! Et quand vous faites du développement durable, il faut suivre les lois en vigueur, autant dans les conditions de travail que les droits humains. C’est à dire qu’on rappelle au public qu’on ne tolère aucun propos raciste, homophobe, et c’est la loi. C’est juste que des fois en France on l’oubli un petit peu.
Les Nuits Secrètes sont dans la sélection des ‘festivals Green‘ du média vert. Est-ce que c’est une belle récompense pour toutes les actions qui ont été mises en place ?
Oui absolument, on en est super fier ! C’est vrai que par habitude, on fait humble et modeste, parce qu’on fait de notre mieux, mais on n’est pas exemplaire évidemment. Mais c’est vrai que d’un autre côté, on ne met pas toujours assez en avant ce qu’on met en place. Et c’est vrai que là, ça valorise ces 6 – 7 années où on a vraiment intensifié le développement durable.
Donc oui, c’est une belle récompense. À côté, il faut se dire que quand on affiche ça, après il faut jusqu’au bout ! Et aussi il y a des gens qui peuvent nous remettre en question. C’est pour ça qu’il faut aussi beaucoup expliquer certaines choses. Nous c’est vrai qu’on a des festivaliers qui sont assez curieux, intéressés et qui veulent comprendre pourquoi on met en place telle ou telle chose. Donc ça nous a conforté dans l’idée d’aménager dans le festival, une zone qu’on a appelé « Nuit Douce » pour échanger sur tout ça. Cette zone accueille des stands avec des associations et nos bénévoles pour de la prévention et des explications.
Pour l’instant nous avons l’asso World Clean Up Day, qui représente un mouvement national au travers d’une journée nationale mondiale de nettoyage de la planète. Ils vont animer une fresque du climat en version adaptée au mode festival. Ils vont aussi confectionner des petits cendriers de poche en Tetra Pak pour les festivaliers, et pour les sensibiliser à la pollution des mégots, qui est pour nous la bête noire.
Pour découvrir l’article détaillé, c’est par ici !
L’an dernier, on avait déjà échangé sur les engagements RSE du festival avec Marion. Est-ce qu’il y en a des nouveaux cette année ?
Cette année, on n’a pas beaucoup de nouvelles actions. Il y en a 2, dont une qui sera peut-être un peu moins visible pour le public. On réalise notre vrai bilan carbone. En 2018, on avait fait une simulation, et cette année on est accompagné par un cabinet qui fait partie d’un projet national porté par la filière musicale. De ce fait, on va avoir une photographie très précise et chiffrée de cette empreinte. Ainsi, on pourra refaire l’exercice dans 2 ou 3 ans, pour voir si cette empreinte a stagné ou un tout petit peu diminué et j’espère pas trop augmenter.
Retrouvez notre échange de l’an dernier !
Donc ça c’est une action vraiment majeure, et qui demande énormément de travail de coopération entre toutes les équipes. La seconde, c’est qu’on organise un cortège à vélo. On veut inciter des festivaliers à rejoindre le festival à vélo, et à plusieurs. Si des personnes ont peur de venir à vélo, là ils seront à plusieurs et encadrés par une association qui a l’habitude de faire ça.
Du coup, ça c’est une petite action qui montre qu’on commence à s’améliorer sur les services qu’on propose en terme de mobilité. Et l’an prochain on accentuera vraiment sur la mobilité, parce qu’on sait très bien les résultats qu’on aura de notre bilan carbone. On sait déjà que le poste majeur d’émission sera la mobilité du public. Là, on est déjà en train de réfléchir et s’organiser pour 2024, pour proposer une alternative à la voiture individuelle. Bon, on le fait déjà cette année puisqu’on a des trains, on renvoie vers des plateformes de covoiturage, et on développe un peu l’axe vélo. Voilà nos 2 actions phares de 2023 : la mobilité douce et le bilan carbone.
Y aurait-il un troisième festival engagé dans vos projets ?
Non justement ! Ça n’irait pas avec la volonté de décroître. On est très content d’organiser les Nuits Secrètes et de voir quelle taille ça atteint. Mais on n’ira pas au delà ! On ne rajoutera ni une scène ni un autre jour, en tout cas aux dernières nouvelles. Pour La Bonne Aventure on a été sollicité pour organiser ce festival, et on est ravi d’apporter notre expertise. Et c’est pareil, c’est un festival qui a trouvé son public et sa taille.
Par contre ce que fait l’association, c’est qu’elle développe une programmation de concert à l’année, pour les gens d’Aulnoye-Aymeries. En fait les bureaux de l’asso sont dans une école, et on utilise le préau de cette école pour organiser dès les beaux jours des concerts. On l’a appelé la cachette, et ça s’adresse à un public du coup très local. Il y a également des locaux de répétition, donc on propose à des artistes locaux de répéter, ainsi qu’une chorale des seniors. Donc si vous voulez on est déjà acteur culturel à l’année !
Pour terminer, pouvez-vous donner 3 bonnes raisons d’aller aux Nuits Secrètes 2023 ?
Forcément en premier c’est la programmation ! Parce qu’il faut quand même garder en tête qu’on est un festival de musique, donc c’est bien ça qui nous rassemble. Il y a vraiment toujours une exigence de proposer une programmation de qualité. Je pense que cette année c’est encore au rendez-vous. Donc évidemment, la première raison c’est la programmation !
Ensuite c’est peut-être le fait de savoir qu’on va pouvoir passer un bon moment dans de bonnes conditions. Parce que pour nous, on fait vraiment attention à l’accueil des publics. Et ça pareil, c’est la base du développement durable. C’est à dire qu’on fait vraiment attention à offrir de bonnes conditions pour faire la fête. Donc la deuxième raison, c’est de dire que vous allez pouvoir venir faire la fête dans un super cadre, qui pousse à faire la fête, mais d’un autre côté où vous savez que vous êtes en sécurité. On fera attention à votre santé et en plus vous pourrez faire attention à la planète !
La troisième, je dirai que c’est peut-être aussi pour se mettre au vert. Durant le week-end, vous pouvez très bien quitter le camping en journée et aller vous balader dans la campagne avoisinante ! C’est aussi le moyen de faire un petit peu de tourisme !
On remercie grandement Maeva pour cette échange, et toute la transparence sur les actions menées par Les Nuits Secrètes. Vous l’avez compris, du 21 au 23 juillet, il faudra être à Aulnoye !