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Lors de notre passage à l’Electrik Park Festival, on est parti à la rencontre d’Ivory pour une interview. Le DJ et producteur s’est livré sans tabou sur différents sujets : de sa dernière track chez Monstercat à son ressenti de la scène dubstep actuelle. Il a également répondu à la fameuse question : c’est une bonne situation ça DJ ?

Salut Ivory ! Pour commencer, et pour ceux qui ne te connaissent peut-être pas, est-ce que tu pourrais te présenter ?


Bien sûr ! Alors je m’appelle Andy, j’ai 29 ans et mon nom d’artiste c’est Ivory. Je fais de la bass music depuis une douzaine d’années maintenant, principalement du dubstep, et aussi un peu de drum&bass maintenant. J’ai bossé avec de nombreux labels comme Never Say Die (avant qu’ils ferment), Disciple et dernièrement je taff pas mal avec Monstercat. Aujourd’hui c’est la foire, c’est EPK ! Je suis super content d’être là !

Justement, il y a un mois tu as sorti une track chez Monstercat : « Sea Turtle ». Qu’est-ce que tu peux nous en dire ?


Alors c’est un peu marrant. Cette track en fait, je l’ai commencée pendant le Covid. Je traînais sur Discord avec d’autres potes producteurs, et on testait plein de techniques bizarres de sound design. J’ai pris une une voix de pirate qui dit « What do you know of sea turtle ?». Puis je me suis amusé à la transformer avec des basses, à faire un espèce de truc jusqu’à obtenir quelque chose d’un peu rigolo. Tout est parti de ça ! De base j’ai aucun attrait particulier pour les tortues de mer, mais je trouvais que c’était vachement marrant comme thème !  Et puis je me suis dis pourquoi pas essayer de pousser l’univers aussi côté visuel du coup. Monstercat a plutôt kiffé l’idée, c’est pour ça qu’ils ont accepté de faire tout un visu qui va avec.

Est-ce que cette track est la première d’un potentiel EP ?


Alors pour celle là c’était qu’une track. Maintenant, ça fait des années que je bosse un peu de tout, sans me limiter en terme de style de musique. Je sors pas tout évidemment, parce que c’est un peu compliqué d’être en mode freestyle. Les gens qui te suivent, ils aiment pas forcément tout.

Donc c’est bien d’avoir une espèce de ligne directrice. Mais à l’avenir, oui je vais avoir d’autres sons comme ça qui vont sortir. Que ce soit de la bass house, ou d’autres trucs un peu plus weird, mid tempo et tout ça !

Depuis le post covid, on sent que tu as vachement évolué en tant qu’artiste, aussi bien côté production que côté Djing. Comment tu analyses tous ces changements ?


Pour être honnête, je crois que c’est moi qui commence à prendre confiance en moi. J’ai toujours aimé la musique sous toutes ses formes, vraiment. Le dubstep, ça a été un truc coup de cœur donc j’ai vraiment passé mon temps là dedans, mais sans jamais arrêter de bosser tout plein d’autres trucs.  Je ne me suis jamais limité en termes de créativité. J’ai eu le feeling que j’étais arrivé à un point dans ma carrière où je pouvais me permettre de proposer d’autres choses. De voir ce que les gens en pensent, plutôt que ce soit casse gueule directement.

Moi quand je me lève, je pense à la musique et pas uniquement au dubstep. Parfois c’est un petit peu frustrant : t’ouvres ton logiciel et tu te dis « ok là je dois faire ce style de musique là ». C’est un truc qui, sur le long terme, me saoule. Donc voilà, j’ai fais pleins d’autres trucs et puis à un moment je me suis dis : pourquoi pas le proposer à Monstercat ? Ils sont vachement ouverts par rapport à d’autres labels. Ils ont été les seuls à m’avoir permis de sortir une track DnB, un son dubstep avec Dr Ushuu ou « Sea Turtle » qui est encore un son complètement différent.

https://soundcloud.com/ivorydubz/sets/madara-w-dr-ushuu

Si tu ne devais choisir qu’un seul style de musique, tout au long de ta carrière, ce serait lequel ?


C’est une très bonne question ça ! Y’a pas un style qui mélange plein de styles :rire: ? En vrai, ça va paraître très bizarre. Je pense que les gens qui liront cette interview ne comprendront pas forcément, mais moi je dirais la house. C’est pas une chose que je produis beaucoup, j’en joue pas énormément dans mes sets, mais ça me fait vibrer plus que n’importe quoi d’autre. Y’a que la house qui me fait cet effet ! À produire, je trouve ça vraiment amusant. C’est tout un autre concept, pas forcément basé sur des techniques de sound design ou des trucs vachement complexes. On est plus sur le mood, la vibe, l’énergie, le rythme, .. Il y a énormément à explorer !

Donc si demain tu me dis tu dois choisir UN truc, je préfère choisir un truc dans lequel je suis pas encore bon, et dont je ne connais pas tout. Sinon je risque de me faire chier.  Tu vois, là je me dis que le reste j’ai déjà beaucoup exploré, donc ouai, je dirais la house.

Et quand tu connaîtras tout de la house, est-ce que tu vas pas finir par te faire chier aussi ?


Ah bah peut-être que j’inventerais un nouveau style de houseacoustique ! On fera ça avec des guitares et des tambours :rire:.

J’aimerais revenir avec toi sur la place du dubstep en France. Ces derniers temps, on constate un certain déclin des évènements de ce genre dans le pays. Quel regard tu portes sur tout ça ?


Depuis que je fais du dubstep, j’ai toujours eu ce feeling. C’est un peu casse gueule en France ! Il y a des périodes où ça marche, d’autres où ça marche moins. Un peu comme les saisons vestimentaires tu vois ? Dans le dubstep, t’as des phases comme avec Marauda : heavy dubstep, très tearout. Actuellement on est plus sur le côté riddim à l’ancienne, le truc OG. Le problème c’est que beaucoup de gens n’aiment pas ces styles. Certaines personnes ne supportent pas la riddim parce que c’est trop répétitif. Et ça joue pas mal sur l’envie des gens d’aller en soirée.

Au-delà de ça, on n’a pas non plus une scène gigantesque en France. On a quand même la chance d’avoir des promoteurs comme Elektric Park, qui nous font confiance et qui invitent des artistes dubstep. Ça donne quand même de l’espoir, même si comparé aux États-Unis ce sont deux mondes différents !  Je me sens quand même super chanceux d’être en France. Dans le monde, la France est vraiment reconnue comme étant un pays dubstep, de par ses producteurs mais aussi par les soirées comme Animalz à l’ancienne, les Drop In Bass, et tous ces trucs là. Alors effectivement elles ont disparu mais… on n’est pas à l’abri que ça revienne !

📸 Xerce

Que ça revienne … les Animalz ?


Animalz …. ou une toute nouvelle organisation :rire: ! Ça va, ça vient. Je pense que ce qu’il faut, ce sont des acteurs qui osent. Même si je comprends parfaitement que ce ne soit pas facile.

Il y a 20 minutes tu étais derrière les platines, en B2B avec Spag Heddy. Vous vous connaissez depuis longtemps maintenant. Est-ce que tu peux nous dire si c’est un bon partenaire de scène ?


Ah mais absolument ! C’est quelqu’un qui m’a beaucoup aidé a avoir confiance en moi sur scène. Pour te dire : mon premier vrai show officiel, au Batofar il y a presque une dizaine d’année, c’était avec Spag Heddy. C’était la première fois que je rencontrais un « gros artiste ». Et c’est super marrant de me dire que je rejoue aujourd’hui avec lui sur stage. Et puis j’ai déjà tourné avec lui, au Canada.

Je me souviens avoir été en panique parce qu’il y a plein de choses que je ne connaissais pas, en technique ou de manière générale Les platines par exemple : j’avais pas de platines chez moi ! Spag Heddy m’a beaucoup aidé, il m’a expliqué énormément de choses, comprendre comment bien préparer un set, etc. C’est un peu un mentor finalement. Jouer avec lui c’est toujours bon enfant, maintenant on se complète. La communication c’est la clef : même si tu ne connais pas la personne avec qui tu joues, du moment que tu communiques et que tu sais ce que la personne va faire, tu peux anticiper. Ensuite, c’est que du plaisir !

Actuellement on se trouve à l’Elektric Park, est-ce que tu peux nous dire un petit mot sur le festival ?


Alors déjà je voudrais leur dire un grand merci ! C’est la première fois que je joue ici, même si j’étais déjà venu en tant que festivalier. J’ai une heure pour jouer avec Spag Heddy et j’en suis très honoré. Je suis aussi content qu’il y ai ce genre d’event en France. Je l’ai déjà dit avant mais c’est pas un style de musique hyper populaire donc je le vois vraiment comme quelque chose de gratifiant. Donc vraiment merci à toute l’équipe d’EPK de faire en sorte que ce soit possible !

On te voit également à l’after officiel organisé par EPK et Monstercat, sur un set 100 drum&bass ! D’où est-ce qu’elle sort cette idée ?


J’adore la drum&bass ! On a pu le voir récemment, j’ai sorti quelques remix drum de nul part :rire:. C’est quelque chose que j’ai toujours kiffé. J’ai des potes à moi, présents depuis mes premiers shows, qui ont toujours été plus orientés drum&bass. Forcément j’ai beaucoup traîné avec eux donc je me suis attaché à ce style là. J’aime beaucoup en écouter, en produire, en mixer. C’est tellement différent, et moi je suis toujours à la recherche de nouveauté, de trucs qui m’excitent. C’est un truc que je mixe tout le temps chez moi mais j’ai jamais eu l’occasion de le faire sur scène.

Quand Monstercat m’a demandé pour l’afterparty, je leur ai proposé un set soit tout format (tout style), soit 100 % drum&bass. Vu que j’avais déjà sorti de la drum chez eux, ils ont dit ok pour le set 100 % drum ! Ce sera ma première fois, on verra comment ça se passe. En tout cas je suis content !

Question un peu osée mais que probablement beaucoup de gens se posent : est-ce que ça paie bien la vie d’artiste ?


C’est une très bonne question ! Pour un artiste français, en dubstep, je dirais que c’est très compliqué au début. Les cachets sont vraiment pas élevés et faut pas oublier qu’en France quand on travaille, bah faut déclarer :rire: ! Beaucoup de gens oublie que gagner de l’argent, c’est aussi en redistribuer. Par exemple dans mon cas, j’ai un agent, un manager et de l’argent à déclarer à l’État. Sur un cachet, j’ai honnêtement plus de la moitié qui part et que je ne vois pas. S’il y a des jeunes qui veulent se lancer, le plus judicieux c’est de garder un emploi à côté ! Garder quelque chose de stable.

Après, il n’y a pas que les shows. Moi aujourd’hui, ce qui me rapporte le plus d’argent en tant qu’artiste, c’est la vente de sample pack (je crée des sample, des preset pour les gens, etc). Je donne aussi des cours de production aux gens, ça me permet de payer mon loyer. En tout cas si je peux juste donner un conseil c’est : croire en ses rêves et faire ce qu’on a envie certes, mais sans tout lâcher parce qu’on sait jamais. Pendant le covid, énormément d’artistes et d’orga se sont cassés la gueule parce qu’ils misaient tout là-dessus. Et au final tout est parti en fumé.

📸 valou_c

Dans quelques jours tu vas mixer à Lost Land et HandsUp sera de la partie ! Qu’est-ce que ça te fait de mixer pour le plus grand festival dubstep du monde?


C’est juste un truc de fou ! C’est la première date de ma vie que je fais au États-Unis. Il s’agit d’un grand tournant dans ma carrière, et débuter par Lost Land je ne pouvais pas rêver mieux ! J’ai beaucoup d’artistes qui veulent me rencontrer, des fans et tout ça. Et ça me rempli de joie. Je ne saurais pas définir le feeling que j’ai actuellement, je suis excité, je suis stressé, je suis content, tout en même temps. C’est clairement le grand tournant de ma vie. Ça fait des années que je regarde leurs live YouTube dans mon studio. J’ai vu des potes, comme Samplifire, jouer là-bas. Tous les potos qui gravitent dans la scène dubstep ! Et là je me dis que c’est mon tour, c’est ouf franchement. Et je suis super reconnaissant envers les gens qui m’ont permis d’en arriver là.

Plutôt stressé ?


Franchement ? Je sais pas si vais stresser ou si je vais chialer. Je déconne pas ! Je garde beaucoup d’émotions en moi, mais me retrouver, après tant d’années, face à tous ces gens que je rêve de rencontrer… je sais d’avance que je vais être très très très ému. Enfin bon, on verra comment ça se passe ! Mais en tout cas c’est un bon stress.

Tu préfères : public français ou public américain ?


Alors j’ai pas encore fait américain, mais dans tous les cas je reste sur le français ! Les français, c’est la famille ! Tu vois ce que je veux dire ? Je pourrais aller n’importe où dans le monde, dans mon cœur ça restera les français. Forever.

Même question mais pour les évènements : plutôt show américain ou français/européens ?


Franchement, c’est un beau combat ! La scène française, ils ont une énergie que j’ai jamais retrouvée ailleurs. Mais ailleurs il y a aussi une énergie qu’on ne retrouve pas en France. C’est très différent, comme en termes de mindset ou de tenues vestimentaires.

Le côté festif est similaire, l’intention est différente. Dans tous les cas j’aime les deux, et on me procure la même joie partout où je vais ! Mais quand même je préfère le cadre français, j’en ai plus l’habitude ! Et je suis très attaché à l’origine d’où tout a commencé pour moi.

Dream Nation 💥

Un dernier mot pour la fin ?


Déjà, merci pour cette interview ! J’ai beaucoup de choses qui se préparent pour 2023/2024. Au moins une dizaine de track qui sont prévues, pour plusieurs labels. Il y a aussi des shows qui ont commencé à être annoncé sur la tournée de Kompany ou celle de PhaseOne.

J’ai aussi une nouvelle collab avec Shaquille O’neal qui sortira … on verra quand ! Plein de choses se préparent et sont super excitantes ! Et surtout y’aura pas que du dubstep, je vais essayer d’explorer plein de nouveaux horizons. On verra si ça accroche ou pas ! J’espère que les gens vont rester « branchés » comme on dit ! En tout cas, je suis super content d’avoir pu joué ce soir, d’avoir fait cette interview ! Et merci à ceux qui liront ça.

On tient à remercier Ivory pour cette interview. On va suivre de prêt les prochains projets du producteur. Merci également à l’équipe d’Electrik Park Festival pour l’accueil 💚

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