Lors du Plein Air Festival de Douai, nous avons rencontré la productrice de techno Irène Drésel, pour une interview. La productrice nous parle de son album “Kinky Dogma”, de son rapport avec les réseaux, et de chocolat !
Hello Irène, est-ce que tu peux te présenter ?
Oui bien sûr ! Je m’appelle Irène Drésel et je fais de la musique électronique avec des influences techno. J’ai commencé mon projet en 2016, et depuis j’ai sorti plusieurs trucs, un premier EP, puis un second, et ensuite deux albums.
En parlant de ça, c’est quoi l’histoire derrière ton second album « Kinky Dogma » ?
J’aime bien appeler mes albums avec des oxymores. Même si « Hyper Crystal » n’est pas un oxymore, il y a 2 mots dans le titre et j’ai voulu suivre cette construction. Pour le coup « Kinky Dogma » c’est bien un oxymore. Je l’ai fait en référence au film « Midsommar » de Ari Aster. C’est un film, soit on aime soit on déteste. Il s’agit d’un thriller psychologique qui se passe en pleine journée en Suède, au moment du Midsommar, quand le soleil ne se couche plus. C’est une bande de jeunes, qui partent là bas, et ils sont accueillis à bras ouverts par un groupe de gens un peu tarés, qui sont habillés tout en blanc en disant « Soyez les Bienvenus« . C’est un film d’horreur un peu, et j’ai vraiment adoré !
J’étais en train de finir l’album, et c’est là où j’ai composé « Bienvenue« , le premier morceau de cet album. C’est également là où est venue l’idée de la pochette, et tout ça. Ca a un peu bouclé l’histoire !
Pour écouter « Kinky Dogma » ça se passe ici !
Tu trouves ça important de sortir un clip pour accompagner tes titres ?
Oui, mais c’est difficile de trouver des clips qui retracent vraiment ce que j’avais dans la tête. Même si je m’occupe de la direction artistique, le résultat n’est pas forcément identique à l’idée qu’on a de base. Mais c’est vrai que j’aime bien le clip vidéo. En fait, un morceau qui est clipé est, malheureusement, plus écouté, qu’un morceau non clipé. Le clip a une grosse portée, et c’est pas négligeable. Donc j’aime bien cliper les morceaux qui me sont vraiment chers. Et malheureusement, il y a des morceaux que j’adore que je n’ai jamais clipés, comme « Sosie » ou « Omerta« . J’ai quelques titres comme ça que j’adore, qui n’ont pas de clips et c’est triste.
Un clip, c’est d’une part un budget, ou si tu arrives à le faire en home made, c’est du temps. Beaucoup de temps. Et je n’ai pas toujours la disponibilité.
On ne se lasse pas de « Vestale » et son clip, sorti en juillet 2021 !
Qu’est ce que tu penses de Tik Tok, et la nouvelle manière de consommer de la musique ?
Alors TikTok, j’y suis allée il y a un an et demie. J’ai tenu une semaine et je me suis déconnectée, j’ai trouvé ça odieux. Et j’ai un peu de mal avec tout ça. Effectivement, je pense que c’est bien pour faire découvrir les morceaux. Mais je trouve qu’en tant qu’artiste, on passe trop de temps sur les réseaux. Là par exemple, j’ai coupé Instagram pendant 2 semaines. Je m’y suis remise parce qu’il fallait faire la promo des festivals où je tourne, mais j’ai qu’une hâte c’est de supprimer l’appli à nouveau. Je l’allume, je la supprime, je la rallume, je la supprime, etc. Je passais beaucoup de temps dessus, j’étais un peu accroc. Là ça va mieux, j’ai réussi à m’écarter de cette addiction.
Je ne sais pas comment font les artistes pour être sur tous ces réseaux. C’est hyper chronophage. T’es la tête sur ton téléphone, et je ne pense pas que ça soit bien. Effectivement, ça doit bien diffuser la musique, mais je trouve que j’étais plus productive quand il n’y avait pas tout ça. Donc je n’ai pas envie d’aller sur TikTok, malgré le fait que, autour de moi, on me conseille d’aller dessus.
Dans toute ta discographie, quel est le titre dont tu es le plus fière ?
« Chambre 2« . L’histoire derrière, c’est qu’on avait dormi dans un hôtel, lors du Biche Festival, dans la ville de l’Aigle. C’était la chambre 2, elle était très jolie d’ailleurs. Après, je suis retournée dans cette chambre pour filmer, et faire le clip tout en dessin. C’est moi qui ai dessiné ce clip, c’était 4 mois travail. Et le morceau je le trouve très beau. Encore aujourd’hui, je trouve qu’il emmène quelque part, qu’il fait voyager. Donc sans hésitation, « Chambre 2 » !
Est-ce qu’il y a un artiste avec qui tu aimerais collaborer ?
Oui, mais c’est un peu présomptueux. C’est Grimes, donc je peux toujours attendre !
Comment tu rentres en processus de création ?
Je rentre en processus de création en allant dans mon studio, il me faut du thé et du chocolat. Et surtout, il faut que tout ce qui est à côté soit éteint. C’est à dire pas de mail en cours, Inbox à Zéro tu vois. Souvent je dis « Il faut désherber les orties pour pouvoir avancer« .
Qu’est ce que tu penses de la place des femmes dans la sphère de la musique électronique ?
Malheureusement j’ai pas trop d’avis là dessus. Je pense que ça se développe de plus en plus. C’est une question qui revient régulièrement, et j’ai pas trop de réponse. Souvent je dis que si t’es pas programmée sur un festival parce que t’es une fille, en fait tu le sais pas. Moi je vais là où je suis programmée, ça se passe très bien. En plus sur scène on est deux, et c’est un gars avec moi sur scène !
En tout cas il y en a de plus en plus, et il y a des artistes très intéressantes ! Je sais pas s’il y en avait avant et n’étaient pas mises en avant, ou juste s’il y en avait pas avant. Mais on en voit de plus en plus, et je trouve que c’est très bien ce qu’elles font ! C’est des bosseuses.
Aurais-tu un artiste à nous recommander pour nos playlists ?
Alors j’en ai plein, mais évidemment quand on me pose la question, je bug. Je vais aller voir sur mon Spotify, parce qu’à chaque fois il y en a que j’écoute et je me dis « C’est trop bien ! ». J’ai mes petites playlists. En ce moment, il y a un titre que j’adore, c’est « Sfarot » de Alek Lee ! C’est tombé il y a quelques jours dans mon algorithme Spotify, et j’adore.
Tu écoutes quoi comme musique ?
Je préfère écouter ce qui est fait autour, que ce qui se fait en musique électronique. J’écoute très peu de techno, ou de musique électro, pour pas avoir le ressenti de « Tout a déjà été fait« . Ca peut couper un peu l’inspiration. Tu vois là j’ai découvert Zaho de Sagazan, elle est chez Wart Music, le même tourneur que moi ! C’est très très beau.
Il y a aussi un duo que j’adore, entre Aurora et Pomme. Ca au moins, si j’écoute ça, ça ne me gène pas pour faire de la techno derrière. Ca ne vient pas manger sur ce que je compose, et ça vient même m’inspirer derrière !
Tu penses qu’il est possible d’allier écologie et tournée d’un artiste ?
Non, je pense que le bilan carbone d’un artiste est très mauvais. Après pour mon cas, j’utilise très peu l’avion car j’ai encore de petites tournées. On va jouer à Nouméa en décembre, mais pour le coup on reste 15 jours sur place. Mais effectivement, ces questions se poseront sûrement. Il y a des artistes qui, je pense, se sentent mal par rapport à ça. Je ne sais pas où on en sera quand on tournera à l’étranger. Peut-être que les trajets seront plus étudiés.
Dans le milieu, on a ce qu’on appelle des « dates sèches« , les one shot où tu fais beaucoup de trajets pour une seule représentation. Le mieux c’est d’avoir une tournée c’est sûr, mais c’est pas toujours évident.
C’est difficile, parce qu’en tant qu’artiste, t’as envie de tourner et de faire des dates. Si on te propose des dates tu peux pas les refuser aussi facilement. Tu te tires une balle dans le pied. C’est un sujet important, qui va prendre de l’ampleur. Actuellement, je suis en train donc c’est très bien !
Comment arrives-tu à coupler ta vie perso et ta tournée ?
C’est pas facile. Surtout que là je suis sensée composer la suite ! Là je vais rentrer demain, je serai fatiguée, mais je dois bosser. Sinon je pourrai bosser le lendemain, mais on reprend la route juste après. Et ce type de problème revient souvent. C’est assez musclé une tournée. L’idéal, c’est d’avoir un mode de vie plutôt soft pendant la tournée. Il y a des phases où ça me convient, et d’autres phases où c’est plus difficile. Mais je ne me plains pas, j’adore ce que je fais !
Pour finir, c’est quoi la suite pour Irène Drésel ?
La suite, c’est vous qui allez l’écrire :rire: ! La suite, c’est bien sûr un troisième album, et la tournée qui va avec. Donc la suite, c’est vraiment la suite logique du projet !
Un grand merci à Irène Drésel pour avoir répondu à toutes les questions de cette interview ! On tient également à la féliciter pour la BO fantastique du film « A Pleins Temps » qu’elle a composée. Nous remercions également les équipes du Plein Air Festival, sans qui cela n’aurait pas été possible.